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Contribution inter-organisations au Projet Régional de Santé

Cette contribution au Projet Régional de Santé est portée par la Fédération Française de la Peau, la Société Française de Dermatologie, la Filière Maladies Rares en Dermatologie, le Syndicat National des Dermatologues et Vénérologues, la Fédération Française de Formation Continue et d’Evaluation en Dermatologie-Vénéréologie et l’association des Futurs Dermatologues et Vénérologues de France.

Issue d’une démarche participative regroupant les principaux acteurs concernés (associations de patients, professionnels de santé hospitaliers et libéraux, Agences Régionales de Santé), elle s’appuie sur la synthèse de 4 réunions régionales et 2 ateliers nationaux. Cette démarche inédite a permis de créer une synergie d’actions, d’identifier les besoins les plus urgents et de recueillir des propositions d’actions, au plus près des réalités territoriales. Ce document prend également appui sur plusieurs études et recherches nationales et internationales en matière de dermatologie.

A travers les propositions exprimées ci-dessous, nos organisations souhaitent alerter les pouvoirs publics sur l’urgence de maintenir l’accès aux soins en dermatologie, de lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé et d’améliorer la qualité de vie des patients ainsi que les conditions d’exercice des professionnels de santé. La révision des PRS est l’opportunité de reprendre ces priorités et de se fixer des objectifs concrets.

La dermatologie : une situation alarmante

Environ 20 millions de Français souffrent d’au moins une pathologie de la peau. Elles touchent toutes les catégories de la population (nouveau-nés et nourrissons, enfants et adolescents, adultes, et seniors).

Parfois visibles, stigmatisantes et responsables de nombreux maux et handicaps, ces pathologies peuvent avoir des impacts médicaux, psychologiques, sociaux, et économiques considérables pour les malades et leurs familles[1]. Elles sont d’ailleurs classées par l’OMS au 4ème rang mondial des maladies impactant le plus la qualité de vie des patients[2].

Sur l’ensemble du territoire, les maladies dermatologiques concentrent de très nombreuses difficultés (accès aux soins totalement absent dans plusieurs régions, délais de rendez-vous de plusieurs mois en ville comme à l’hôpital, démographie médicale et paramédicale alarmante, errance diagnostique et thérapeutique conduisant à des pertes de chances et des renoncements aux soins, des inégalités sociales de santé…).

Une étude menée récemment dans 316 préfectures et sous-préfectures[3] a d’ailleurs démontré que la dermatologie figurait en tête des spécialités médicales pour lesquelles l’obtention d’un premier rendez-vous est quasiment impossible.

Les malades et leurs familles ont le sentiment d’être laissés pour compte et les professionnels se sentent démunis face aux difficultés croissantes. Pourtant, ces dernières années, les traitements dermatologiques ont connu une véritable révolution et permettraient, avec une offre de soins adaptée, de soigner efficacement et plus précocement de nombreuses pathologies.

Malgré ces constats alarmants, les maladies dermatologiques sont aujourd’hui absentes des grandes priorités régionales de santé. La révision prochaine des PRS constitue l’unique opportunité de corriger cet oubli et de prendre enfin en compte les besoins des populations concernées.

Il est urgent d’agir !

 

3 thèmes et 14 propositions pour contenir la crise

 

Nous ne demandons pas de solution « miracle » mais la mise en œuvre rapide d’une première série de mesures préconisées par les associations de malades et les professionnels de santé qui ont participé à notre démarche. Ces mesures, régionales ou territoriales, devront être complétées et articulées avec des réformes nationales indispensables (réforme de la formation des dermatologues-vénérologues, revalorisation des consultations dermatologiques et de certains actes, primo prescription de certains traitements et biothérapies par les dermatologues de ville, revalorisation de certains soins infirmiers cutanés complexes…).

 

 

1- Prioriser l’accès aux soins

 

L’accès aux soins dermatologiques est d’ores et déjà très tendu, voire inexistant sur certains territoires. Sans une série de mesures rectificatives fortes et rapides, les inégalités territoriales de santé continueront à se creuser au détriment des centaines de milliers de malades privés de soins et confrontés à de réelles pertes de chances comme le démontre cette étude[4]. De plus, sans un accès aux soins correct, on ne peut pas parler de prévention en dermatologie.

 

Nos propositions  

  • Former plus de dermatologues-vénérologues, en augmentant le nombre de postes d’internes en dermatologie. Lors des rencontres avec l’ONDPS, il a été clairement identifié que la dermatologie était une spécialité en tension, du fait de la démographie défavorable. En effet plus de la moitié des dermatologues actuellement en exercice à plus de 55 ans. Le nombre d’internes en formation ne permet pas de renouveler les dermatologues partant à la retraite dans les 10 prochaines années. Cette pénurie, déjà présente, expose à uneaggravation des délais de prise en charge et ainsi qu’à une perte de chance pour les malades. Une démarche est en cours avec la Société Française de Dermatologie et le Collège des Enseignants en Dermatologie de France pour augmenter le nombre d’internes.

 

  • Retrouver une offre de soins hospitaliers en dermatologie accessibles sur l’ensemble des territoires. Quels que soient sa situation et son lieu de vie, tout malade doit pouvoir y accéder. Cette question doit être mise à l’ordre du jour des dialogues de gestion entre l’ARS et les GHT pour améliorer rapidement la situation actuelle (services hospitaliers en dermatologie inexistants ou totalement saturés, postes vacants, délais de rendez-vous de plusieurs mois, fermetures de lits et parfois de services entiers, épuisement des équipes, errance des malades…).

 

  • Créer des postes d’infirmiers en pratiques avancées (IPA) dans les services hospitaliers en dermatologie pour, sans se substituer aux médecins, libérer du temps médical.

 

  • Dans les territoires disposant d’une offre de soins en dermatologie limitée, inciter les dermatologues à maintenir leur activité professionnelle quelques années supplémentaires au-delà de l’âge de la retraite. Pour ce faire, l’ARS, en concertation avec l’assurance maladie, pourrait proposer des mesures financières et administratives incitatives. Cela permettrait de maintenir une offre de soins dans les zones les plus en tension

 

  • Développer une offre de téléexpertise en dermatologie, en privilégiant les zones les plus tendues (offre de soins inexistante ou limitée). Plusieurs expérimentations régionales portées par les ARS ont permis de démontrer la pertinence et l’efficience de ce type de dispositif, complémentaire aux consultations en présentiel.

 

  • Créer des postes de psychologues dans les services hospitaliers en dermatologie. Les maladies dermatologiques sont souvent à l’origine ou l’expression d’importantes souffrances psychologiques pour les malades et leurs proches[5]. La présence d’un psychologue au sein du service permettrait de prendre plus efficacement en charge les patients atteints de ces pathologies.

 

  • Revaloriser les soins infirmiers cutanés complexes pour permettre une meilleure prise en charge du patient dans son parcours de soins quotidiens.

 

 

2- Fluidifier les parcours de soins en dermatologie

 

Les parcours de soins en dermatologie sont peu structurés et peu lisibles, situation aggravée par le déficit d’accès aux soins.

Les malades se sentent démunis et perdus. Qui consulter ? Son médecin généraliste ? Un dermatologue ? L’hôpital ? Comment faire lorsqu’il n’y a aucun rendez-vous disponible avant plusieurs mois ? L’errance diagnostique est fréquente dans les maladies dermatologiques. Certains malades finissent même par abandonner leur démarche de soins au risque d’une réelle perte de chance.

Paradoxalement, les professionnels de santé constatent un nombre croissant de rendez-vous non honorés ou injustifiés (check up annuel de personnes ne présentant aucun risque ni aucun symptôme, affections bénignes qui auraient pu être traitées en médecine générale.

Il est donc urgent de mieux baliser ces parcours, en partant des besoins exprimés par les malades, les professionnels de santé, et les ressources disponibles sur chaque territoire.

 

Nos propositions

  • Co construire, avec les professionnels de santé et les associations de malades, des parcours de soins plus lisibles et clarifier les différents niveaux d’intervention (1er recours, soins spécialisés, soins complexes) pour répondre plus efficacement aux besoins des malades, à la réalité des ressources disponibles et limiter l’errance diagnostique.

 

  • Former les professionnels de santé de premier recours à la dermatologie et les équiper du matériel minimum nécessaire au diagnostic (dermatoscope, matériel de biopsie, outils connectés…). Le premier recours est un maillon essentiel dans la fluidification du parcours de soins et un gage de déploiement efficace de la télé expertise. Plusieurs initiatives régionales ont démontré la pertinence de cette mesure et l’intérêt que les médecins généralistes portent à la dermatologie.

 

  • Consolider l’articulation 1er recours – soins spécialisés en s’appuyant sur des mesures et des dispositifs territoriaux déjà éprouvés (téléexpertise, équipes de soins spécialisés en dermatologie notamment)

 

  • Renforcer le lien ville-hôpital, notamment en soutenant et en revalorisant la mise en place de vacations hospitalières assurées par les dermatologues de ville. Ces vacations favorisent les liens et l’articulation entre hospitaliers et libéraux, soulagent les services, et permettent l’acquisition de nouvelles compétences. Ces vacations hospitalières pourraient également être élargies aux paramédicaux.

 

  • Mener, avec le soutien des associations de malades, des campagnes de sensibilisation et d’information auprès des patients afin de les inciter à une utilisation plus responsable du système de santé pour :
  • Diminuer / Supprimer le phénomène des rendez-vous non honorés (une vingtaine de rendez-vous par semaine chez certains dermatologues)
  • Contenir le phénomène de rendez-vous pour un « contrôle annuel » pris par des personnes ne présentant pas de risques ou de symptôme particulier. Cibler prioritairement les populations à risque dans les campagnes de prévention et de dépistage des cancers cutanés permettrait de limiter ce phénomène qui embolise les files actives et impacte la dépense publique

 

3- Renforcer le soutien aux professionnels de santé et aux patients

 

  • Soutenir le déploiement d’assistants médicaux afin de libérer du temps médical pour les malades. Cette mesure, préconisée par le Ministre de la Prévention et de la Santé, a d’ores et déjà fait ses preuves dans de nombreuses autres spécialités médicales

 

  • Mettre en place, avec les organisations professionnelles, d’un dispositif de soutien aux professionnels de santé en difficulté dans leur exercice (prévention de l’épuisement professionnel…)

 

Autre mesure à soutenir

 

  • Sous le pilotage de l’ARS, mettre en place un groupe de travail pluridisciplinaire (professionnels de santé hospitaliers et libéraux, associations de patients et institutionnels) chargé de coordonner les mesures mises en place en matière de dermatologie.

 

En Conclusion

Ces propositions ne sont pas exhaustives. Nous vous proposons de vous les présenter plus précisément et de réfléchir avec vous aux modalités de travail à mettre en place dans le cadre du PRS pour prendre pleinement en compte les besoins des populations et des professionnels de santé du secteur de la dermatologie.

Assurés de l’intérêt que vous porterez à nos propositions, nos organisations restent à votre disposition pour échanger et préciser ces propositions.

[1] Livre Blanc « Les Défis de la Dermatologie en France », Société Française de Dermatologie, 2018

[2] The global burden of skin disease in 2010 : An analysis of the prevalence and impact of skin conditions. Hay RJ1, Johns NE2, Williams HC3,

Bolliger IW2, Dellxavalle RP4, Margolis DJ5, Marks R6, Naldi L7, Weinstock MA8, Wulf SK2, Michaud C9, J L Murray C2, Naghavi M2. Invest Dermatol. 2014

[3] Enquête intitulée « déserts médicaux : 22 millions de français abandonnés » menée par l’hebdomadaire Marianne et le Guide Santé dans 316 préfectures et sous préfectures – septembre 2022

[4] The Role of Circumstances of Diagnosis and Access to Dermatological Care in Early Diagnosis of Cutaneous Melanoma

Frédérique Durbec, MD; Fabien Vitry, MD; Florence Granel-Brocard, MD; Dan Lipsker, MD, PhD; Franc¸ois Aubin, MD, PhD; Guy He´delin, PhD; Sophie Dalac, MD; Franc¸ois Truchetet, MD; Catherine Michel, MD; Marie-Laure Batard, MD; Beatrice Domissy-Baury, PhD; Jean-Michel Halna, MD; Jean Luc Schmutz, MD; Christian Delvincourt, MD; Georges Reuter, MD; Ste´phane Dalle, MD, PhD; Philippe Bernard, MD, PhD; Arlette Danzon, MD; Florent Grange, MD, PhD

[5] Livre Blanc « Les Défis de la Dermatologie en France », Société Française de Dermatologie, 2018

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